Institut Marcel Liebman

CHAIRE MARCEL LIEBMAN 2019 – GÉRARD NOIRIEL – HISTOIRE POPULAIRE DE LA FRANCE : DES ‘CROQUANTS’ AUX ‘GILETS JAUNES’

Dans le cadre de la Chaire annuelle Marcel Liebman, nous avons l’honneur et le grand plaisir d’accueillir l’historien français Gérard Noiriel (directeur d’études à l’EHESS, spécialiste de l’histoire de l’immigration et de l’histoire de classe ouvrière) pour quatre leçons autour de son Histoire populaire de la France, de la guerre de Cent ans à nos jours, qui vient de paraître aux éditions Agone en septembre 2018.

Au cours de ces quatre leçons (voir contenu détaillé plus bas), Gérard Noiriel nous proposera une analyse historique des définitions et des représentations du peuple et du « populaire » et de l’importance des luttes antifiscales dans les résistances populaires, depuis les Croquants du XVIIe siècle jusqu’aux « gilets jaunes » d’aujourd’hui. Il se penchera également sur les conceptions « bourgeoise » et « prolétaire » de la citoyenneté, montrant que depuis les Sans-Culottes jusqu’aux « gilets jaunes », toutes les grandes révoltes sociales ont défendu un idéal fondé sur l’action directe contre la conception bourgeoise de la démocratie, fondée sur la délégation de pouvoir. Enfin, il abordera -toujours pour le cas français- les difficultés des organisations qui se donnent pour mission de défendre les classes populaires, à dépasser le cadre national, alors que le capitalisme, lui, s’est mondialisé.

Ce type d’éclairage de l’actualité par l’histoire s’inscrit pleinement dans les préoccupations de l’Institut Marcel Liebman, créé en 1986 dans le but « promouvoir une réflexion critique sur les pratiques des mouvements sociaux et un éclairage des enjeux politiques actuels par l’histoire »

Programme de la Chaire

(Toutes les leçons de déroulent de 18h à 20h à l’ULB, Campus du Solbosch, cliquez sur les liens auditoires ci-dessous pour en connaître la localisation).

  • Lundi 25 février 2019 (auditoire K.1.105), conférence inaugurale : Le «populaire», dans l’histoire de la France :des «croquants» jusqu’aux «gilets jaunes» 
  • Mardi 26 février (auditoire H.2.215) : « Un peuple fabriqué par l’Etat »
  • Mercredi 27 février (auditoire H.2.215) : « Citoyenneté bourgeoise/citoyenneté populaire »
  • Jeudi 28 février (auditoire UD2.118A) : « La nationalisation du peuple français et ses conséquences »

ENTRÉE LIBRE

Renseignements : 02.650.33.86, institut.liebman@ulb.ac.be

Cliquez ici pour voir et télécharger l’affiche en pdf (bonne résolution)

Détail du contenu des quatre leçons :
 
Leçon 1 : Le « populaire » dans l’histoire de la France. Des Croquants jusqu’aux gilets jaunes
Cette première séance sera centrée sur les définitions et les représentations du peuple et du « populaire » depuis le Moyen Age. Je montrerai pourquoi il ne faut pas confondre le « populaire » et les « classes populaires », ce qui me permettra de développer l’approche relationnelle que j’ai privilégiée dans mes travaux pour renouer avec une dialectique qui s’efforce de combiner les apports de Karl Marx et de Pierre Bourdieu.
 
Leçon 2 : Un peuple fabriqué par l’Etat
Dans cette deuxième séance, je montrerai, en m’appuyant sur la perspective socio-historique développée par Norbert Elias, qu’il n’existe pas de « peuple » sans Etat. J’insisterai sur la spécificité française qui tient à l’ancienneté et à la continuité d’un Etat centralisé qui a formaté un peuple composé d’abord de sujets, puis de citoyens liés entre eux par l’assujettissement à l’impôt. C’est la raison pour laquelle, depuis les Croquants du XVIIe siècle jusqu’aux « gilets jaunes » d’aujourd’hui, les luttes antifiscales ont toujours joué un rôle essentiel dans les résistances populaires.
 
Leçon 3 : Citoyenneté bourgeoise/citoyenneté populaire
La Révolution française a imposé un concept de citoyenneté emprunté au Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau. A la différence de la définition juridique anglo-saxonne (être citoyen c’est avoir des droits), la définition républicaine française privilégie le critère politique (pour Rousseau, le citoyen est celui qui participe à l’élaboration des lois auxquelles il obéit). Je montrerai, dans cette troisième séance, que ce point de départ a ouvert la voie à la contestation populaire du monopole exercé par les élites bourgeoises sur la direction de l’Etat. Depuis les Sans-Culottes jusqu’aux « gilets jaunes », toutes les grandes révoltes sociales ont défendu un idéal fondé sur l’action directe contre la conception bourgeoise de la démocratie, fondée sur la délégation de pouvoir.
 
Leçon 4 : La nationalisation du peuple français et ses conséquences
Cette dernière séance sera focalisée sur la question nationale. Je montrerai que les réformes institutionnelles imposées par la IIIe République dans les années 1880 (lois sur l’école, sur la liberté de la presse, sur la nationalité, etc) ont profondément affecté la société française toute entière. Le mouvement ouvrier qui avait été conçu au départ comme un mouvement universel (« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » avaient écrit Marx et Engels en conclusion du Manifeste du parti communiste de 1848) a été lui aussi affecté par ce processus de « nationalisation », ce qui a conduit tous les partis socialistes européens à rejoindre leur « union sacrée » en 1914. Je terminerai en montrant que la crise actuelle des organisations qui se donnent pour mission de défendre les classes populaires tient au fait qu’elles sont incapables de dépasser le cadre national, alors que le capitalisme, lui, s’est mondialisé.
Cette conclusion me permettra d’aborder la question de l’Union européenne et des problèmes qu’elle traverse aujourd’hui.